lundi 26 décembre 2022

Antenne HF

 

Cet article traite de l'antenne HF, car lorsque j'ai monté le projet d'installation de la radio BLU à bord, j'ai trouvé bien des informations contradictoires qui ne m'ont pas facilitées la tâche.

La HF marine est une BLU (radio à Bande Latérale Unique, SSB en anglais). C'est une radio Haute Fréquence (HF) puissante qui permet notamment des échanges longues distances, de récupérer des fichiers météo (grib / fax / Navtex) et d'échanger des mails. 

A noter que pour les navires de plaisance battant pavillon français (c'est une exception française), la licence radio pour la HF marine est obtenue gratuitement et directement auprès de l'ANFR, comme pour la VHF. En dehors des eaux territoriales françaises, il faut passer l'examen du CRR (Certificat Radio Restreint) pour la VHF, mais rien n'est demandé pour la BLU. Vous utilisez alors le Call Sign de la VHF du navire pour votre BLU. Attention, ceci n'est valable que pour l'utilisation des bandes de fréquences marines...

En comparaison avec la VHF :

Propriétés BLU   VHF   Remarques
....................... ....................... ....................... .......................
Puissance en watt
150 w
60 w
20 w

25 w


En comparaison, la VHF portable n'a qu'une puissance de 5 w
Plage de fréquence
1,6 MHz
à
27,5 MHz
155,500 MHz
à
163,275 MHz
La BLU est une radio Haute Fréquence (HF). Certaines parties de la plage sont réservées aux radio-amateurs, d'autres sont réservées aux navires (de plaisance ou non)
Distance de communication
Le globe !
20 mn
Il faut que l'antenne soit en haut du mat pour une portée maximale de la VHF. En pleine mer, on parle de communication quasi en ligne droite.
La portée maximale de la BLU est atteinte la nuit, elle varie fortement en fonction des conditions météo et de l'activité du soleil. La propagation se fait par rebond sur l'Ionosphère et non en ligne droite. 

Poids de la radio
8 Kg
2 Kg
Pour la BLU, on doit ajouter un accordeur d'antenne (3 kg) et une antenne de 7 m (6 kg)
Longueur de l'antenne fouet
7 m
0,9 m
Pas facile de trouver une place pour la grande antenne ou la grosse boite de l'accordeur.

L'installation de l'antenne HF est une des 3 difficultés rencontrées pour installer tout le système BLU, les deux autres difficultés étant la configuration de la liaison BLU / Modem / ordinateur et enfin la manipulation de la BLU elle même (réglages).

BLU, Accordeur et Pactor reçus,
Il ne reste plus qu'à monter le tout.

Pour l'antenne, il existe principalement 2 types d'antenne : l'antenne filaire, souvent montée sur un hauban ou un pataras, et l'antenne fouet.

Nous avons choisi l'antenne fouet car sur notre voilier il n'y a pas de pataras (câble qui relie le mat à l'arrière du navire). On aurait pu tirer un câble, mais : 

- l'arrondi de notre grand voile gène pour une connexion à l'arrière (il faudrait un second mat)
- si la pose est sur le coté du mat, c'est trop près des haubans qui perturberont le signal

L'antenne est donc montée sur tribord arrière, loin de l'antenne AIS et de tout l'électronique de bord. 

3 antennes émettrices :
En haut du mat, la VHF
Au niveau panneaux solaires, l'AIS
Sur arrière tribord, la grande HF (BLU)

Une fois la radio installée, reliée à l'accordeur d'antenne lui même relié à l'antenne, il faut soit mettre à la terre l'accordeur, soit utiliser un contrepoids. 

Pour comprendre le phénomène, il faut avoir à l'idée que l'on alimente notre antenne par le bas. On envoie donc une onde depuis le pied de l'antenne. Mais cette onde a deux composantes : un partie va vers le haut de l'antenne, l'autre partie va dans la direction opposée. Il faut lui laisser donc un second chemin pour se propager, le risque étant que l'onde revienne perturber le signal (ou pire aille griller l'émetteur). On parle de rapport d'onde stationnaire : il doit être le plus bas possible.

C'est à ce moment que l'on trouve tout et n'importe quoi sur Internet. Pour ma part, j'ai respecté le mode d'emploi de l'accordeur Icom AT-130. Il est dit clairement qu'il y a deux méthodes pour que l'accordeur puisse fonctionner correctement :
  • Soit on connecte l'accordeur à une "dynaplate", sorte de plaque constituées de billes en bronze que l'on fixe à l'extérieur de la coque. Dans ce cas, c'est comme une mise à la terre. Il faut connecter la masse de l'accordeur aux vis de fixation qui traversent la coque. Inconvénients : 
    • la plaque coûte très chère (700 € pour une dimension correcte). Bien que cela s'appelle une mise à la terre, il ne faut surtout pas utiliser la masse du moteur ou du circuit électrique de bord car en plus d'un courant, des perturbations électromagnétiques vont circuler dans la masse. C'est comme cela que l'on grille son auto-pilote, ou que l'on perturbe les messages NMEA.
    • Si  vous avez une coque métal, vous pouvez directement relier à la coque mais il va falloir une isolation par "pont de condensateurs" de la connection pour empêcher l'électrolyse. Le "pont" va arrêter le courant électrique mais laisser passer l'onde électromagnétique : c'est le but. Il faut laisser la seconde partie de l'onde se propager et surtout éviter qu'elle revienne vers l'émetteur.
  • Soit on créé un faisceau radial (noté contrepoids) de câbles en cuivre qui devront avoir les caractéristiques suivantes :
    1. Perpendiculaire à l'antenne
    2. Il faudra autant de câbles que de fréquences visées
    3. Il faudra que chaque câble ait une longueur de 1/4 de longueur d'ondes visées
J'ai utilisé la seconde méthode car je pouvais facilement faire le contrepoids moi même. Pour le calcul des longueurs, j'ai utilisé la formule suivante tirée du mode d'emploi :

L = ( 300 / f )  x 1/4  avec  f   la fréquence que je voulais utiliser.

Par exemple, pour la bande des 30 m, fréquence 10.100 à 10.125 MHz, longueur d'onde 29,630 m, 1/4 d'onde représente 7,407 m, donc un fils de cuivre d'environ 7,4 m. Il ne sert à rien d'être précis, car de toutes façons on émet sur des plages de fréquence. Pour construire le faisceau de câbles, vous aurez besoin d'un câble réseau ethernet de 30 m qu'il faudra complètement démonter.

Ensuite on coupe les longueurs dont on cherche les 1/4 de fréquences et l'on rassemble le tout. Une des 2 extrémités de chaque câble est soudée pour former la tête de faisceau. Puis on incorpore le nouveau faisceau dans un tuyau de jardinage pour bien isoler les brins du reste du navire. Notre tuyau a été posé en cercle sous le pont entre les 2 coques de notre catamaran (diamètre du cercle environ 2 m).

C'est long de tout défaire / mesurer / rassembler

Avec ce système de faisceau, que l'on nomme Kiss SSB outre manche (acronyme de Keep It Simple Stupid), je réussi à très bien capter l'Australie, l'Alaska ou le Mexique depuis la Polynésie Française pour échanger des emails ou demander des fichiers grib.

Nota : Il existe un modèle commercial de ce faisceau que l'on peut acheter, il est nommé aussi KISS SSB, ce qui peut porter à confusion.

Du coup, sur Unavoq nous avons maintenant monté en tout 8 antennes :

En réception : 

Il y a 3 antennes GPS 
  • Une dédiée à l'AIS, comme prévue dans le norme (voir l'article dédié à l'AIS)
  • Une dédiée au calculateur du pilote automatique
  • Une intégrée au lecteur de carte
Il y a une antenne radar dédiée au Mer Veille (voir l'article dédié au Mer Veille)

Une autre antenne omnidirectionnelle pour la Télé (quel luxe !)

En émission / réception : 

Il y a 2 antennes VHF qui sont interchangeables, au cas ou un oiseau en casserait une par exemple ...
  • Une dédiée à la VHF (en haut du mat)
  • Une dédiée à l'AIS (transpondeur). Noter que la norme impose 3 m minimum entre 2 antennes VHF
Et enfin une antenne HF (BLU), qui permet les communications longues distances, l'Internet bas débit (mail & grib) et la réception des fax météo. 

A bord nous avons aussi un téléphone satellite Iridium avec son antenne magnétique, mais les coûts de communications sont prohibitifs (compter 150 € par mois). En comparaison, les communications HF (pour obtenir les fichiers météo ou échanger des emails) ne coûtent rien avec le system Winlink, et seulement 275 $ annuel avec le system Sailmail. Les deux systèmes sont équivalents, sauf que le premier utilise les fréquences dédiées "radio amateur", et le second les fréquences dédiées "marine". 

Les communications "voix" en HF sont bien entendues gratuites, c'est le même principe que pour la VHF.

Au fond, la soucoupe de l'antenne Télé
En biais, l'antenne AIS

Nota bene : Notre antenne AIS est installée en biais (non verticalement). En pratique, la portée de l'antenne sera un peu plus importante du coté opposé à l'inclinaison (donc vers l'avant du navire), et inversement de l'autre coté (moins de portée vers l'arrière, une partie de l'onde étant dirigée vers la mer)). C'est aussi un choix pour avoir plus de place pour manoeuvrer, l'antenne gênant moins quand elle est inclinée vers l'extérieur du navire (la bôme passant alors plus loin de l'antenne).


Fixation de l'antenne HF


vendredi 4 novembre 2022

Polynésie : Iles sous le vent (Huahiné)

Le poisson exocet est son emblème
(poisson volant) 
Moorea et Tahiti font parties des iles du vent. Huahiné est donc la première des iles sous le vent que nous touchons. On parle d'iles sous le vent car les vents dominants viennent de l'Est de Tahiti, et ces iles sont à l'Ouest de Tahiti. La traversée dure environ 18 h (100 mn). On part en fin d'après midi et on navigue la nuit pour arriver le matin afin de reconnaître la passe d'entrée qui ne se dévoile qu'au dernier moment. 

La traversée n'a pas été calme. On avait voulu tester le catamaran au près. Il marche bien, avec peu de vent, on atteint rapidement les 7 noeuds, soit une moyenne de 2 noeuds de plus que notre précédent monocoque. 

Par contre le bruit du voilier qui glisse sur l'eau est impressionnant. Je ne parle pas des coups de butoir sous la nacelle (ils sont dus aux vagues passantes entre les 2 coques). Le bruit provient de l'écoulement de l'eau au niveau des jupes arrières, il me fait penser à un torrent de montagne. Le flux est puissant, sourd et nous surprend. Notre monocoque, à la même vitesse, était silencieux. On sent que le catamaran est profilé pour aller bien plus vite, et que les jupes arrières stabilisent et forment une trainée marquée. Les sensations sous voiles sont différentes ; il est aussi sécurisant de par sa largeur, mais bien plus réactif : on sent bien les accélérations de vents.

La mer étant formée, on arrive à Huahiné vaseux, avec des maux de têtes. L'ile est cependant magnifique et nous fait bien vite oublier cette traversée désagréable.

Carte en relief de Huahiné réalisée par des élèves
(Le Nord est en haut)
On voit bien les passes d'entrée
En bleu foncé, les zones navigables dans le lagon

C'est toujours une surprise d'entrer dans un lagon par une passe que l'on ne connaît pas : courants inconnus, rouleaux sur le platier, houle qui cache l'entrée, balises pas toujours bien visibles, bref c'est le moment où tous nos sens sont aiguisés afin de prendre rapidement les bonnes décisions.

Une fois entrée, les eaux calmes du lagon contrastent avec la mer agitée. On mouille au Nord, en face de Faré, le village principal de l'ile. Je ne recommande pas le mouillage coté plage, car si l'on est bien protégé des vents dominants, on l'est moins de la houle qui entre par la passe juste derrière.

On mouille dans 2 m d'eau, un régale pour les yeux


Le bleu turquoise illumine l'intérieur des coques
au niveau des trappes de secours

Nouveau ponton de la ville
avec un superbe Faré recouvert de bardeaux de bois

L'ossature bois du Faré

Le village de Faré, vue sur le quai principal


A peine arrivés, une barque de pêcheurs nous propose des langoustes.
Dégustées avec un petit vin blanc et un écrasé de pommes de terre, le repas nous fait vite oublier la navigation au près


La petite ville de Faré est très accueillante, et on y trouve de tout : pharmacie, magasin de bricolage, essence / gasoil, supermarché très bien achalandé, de nombreux petits restaurants pas chers (1500 fr la grande assiette pour 2 de thon cru au lait de coco, soit 12 € ), des marchands de fruits / légumes / poissons frais. La fin du mois d'octobre est le tout début de la saison des ananas, super sucrés et bien jaune orange.  

C'est l'été austral en octobre, 
donc le ciel est chargé et les contrastes au top pour les photos

En cette saison, le mauvais temps ne dure pas, mais les coups de vents sont parfois violents. On aura 41 noeuds de vent d'Ouest au mouillage de Faré et 2-3 jours de gris / pluie. Le mouillage se fait sur du sable, il tient bien, et le platier protège efficacement de la houle du large. Par 2 m d'eau, on mouille l'ancre de 35 kg avec 15 m de chaîne de 10 mm plus la grande main de fer habituelle.

Lecteur de l'anémomètre d'Unavoq II
indique 41,3 nds

Pour aller en ville, on peut utiliser gratuitement le ponton du Yacht Club qui est en fait un restaurant avec belle vue sur la baie. L'eau potable est gratuite aux douches sur la plage à gauche du ponton (pas facile de monter l'annexe sur la plage et de charger les bidons dedans), ou en ville en traversant le grand quai des pêcheurs et la route (toilette publique et bac à vaisselle). Lors des jours de fêtes nautiques, un tuyau est installé au quai des pêcheurs, et l'eau est alors facile d'accès. Sinon, le Yacht Club propose 10 min de robinet pour 500 fr (soit 4 € pour environ 140 litres avec le débit utilisé). Il ne propose plus de payer au litre, nous avons été les derniers à le faire en insistant car la pancarte existait encore ...

Le 24 octobre 2022 a eu lieu la grande course de pirogue inter-iles nommé Havaïki Nui, pile poil pendant la semaine de mauvais temps. La mer était très formée (avec des creux de 2-3 m et 20 à 30 nds de vent). La course ne fut ni retardée, ni annulée, et les pirogues ont traversé de Huahiné vers Raiatea (18 mn) dans ces conditions très difficiles. Ces athlètes ont un moral bien trempé, et aussi un très bon sens de la navigation car au raz de l'eau on ne voit rien en haute mer, même l'ile d'en face toute proche.


Départ de la course,
juste à coté de notre mouillage :)

L'équipage favoris, arrivé premier comme l'an passé

L'écume et les mouvements produisent une pastel dynamique

La course est aussi l'occasion d'une fête en ville, avec stands fleuris, danses et concours de pêche.

Le mauvais temps n'a pas empêché les habitants de se déplacer


Le front de mer se couvre de bateaux de pêche
166 équipages participant au concours


Le pilote est dans une sorte de nacelle devant,
avec une barre verticale pour manoeuvrer



Cette année le record sera de 107,5 kg pour un Marlin (espadon)
avec 5,4 millions de fr de prix (environ 40 000 € quand même)

On profite de cette escale pour recevoir des invités, et donc préparer les deux cabines de la coque bâbord de leurs plus beaux atours.


Cabine avant Bâbord


Cabine arrière bâbord

C'est aussi l'occasion de naviguer vers le Sud de l'ile, mais le vent n'est pas toujours dans le bon sens alors on fera en partie du moteur.

A gauche le Motu Vaiorea,
au pied duquel il y a un jardin de corail avec plus de 50 variétés de poissons

Plage d'Hana iti

Il est possible de privatiser une partie de la plage
 et de faire venir un traiteur avec orchestre, Vahinés ...
(comme nous l'avons vu lors de notre première visite lorsqu'un gros yacht est venu) 

La plage est entretenue par Siki, qui propose aussi des animations gratuites
comme le tressage de palmes, la fabrication du pain de coco au feu de bois sur la plage,
la création de colliers de coquillages

On utilise la bourre de coco pour extraire le lait de coco


Pressage à la main et mélange avec farine et levure


Cuisson des pains dans de jeunes feuilles de Purau

Plus au Sud, la baie d'Avea
permet d'accéder à un immense jardin de sable parsemé de patates de corail
et très poissonneux

On ressort les vélos sans chaîne (à courroies)
pour parcourir le tour de l'ile.


C'est physique, avec des pentes à 30 %

Arrêt pour découvrir l'empreinte légendaire de Pi'Horo
(Bien zoomer au centre, on dirait un pied marqué dans la roche)

Au milieu de nulle part, une cabine téléphonique fonctionnelle !

La route est belle et goudronnée

Plusieurs abris sont bienvenus
pour se protéger des pluies torrentielles

Rencontre inopinée avec Paul et sa femme Mélodie
en voyage de noces à Huahiné
Le monde est bien petit

Véritable bénitier de l'église de Faré
(Tridacna Gigas)

Au Nord, dans le lagon, pièges à poissons de Fa'Una Nui

Bye bye, prochaine escale Raiatéa, 
toujours plus à l'Ouest.

samedi 1 octobre 2022

Batteries Lithium

L'énergie à bord

En voilier, et plus particulièrement en grand voyage, l'énergie à bord est un sujet majeur au même titre que la sécurité en mer, l'eau potable ou la météo.

Cette énergie se trouve sous différentes formes, elle est issue du gaz, du gasoil, de l'essence, des batteries, du soleil, du vent ou même du courant marin.

On a ainsi rencontré à Mahon (îles Baléares), un voilier anglais qui utilisait des piles fonctionnant au méthanol, à recharger tous les 6 mois (non sans difficulté à faire venir le carburant). Une autre rencontre utilisait les réchauds à essence sous pression pour cuisiner au lieu du gaz (ce que j'ai pratiqué couramment en expédition terrestre), et un autre utilisait des plaques de cuisson électriques très énergivores.

Tous les voiliers rencontrés ont à bord un parc de batteries conséquent. Ils ont donc du à un moment ou à un autre s'atteler au sujet, car les batteries ont une durée de vie d'autant plus courte qu'elles sont utilisées intensément ou par forte chaleur. Ainsi nous avons eu la surprise de lire sur le mode d'emploi constructeur, que nos batteries AGM sensées fonctionner 7 ans, avaient en fait une durée de vie divisée par deux si la température ambiante d'utilisation était de 30° C (comme bien souvent sous les tropiques...).

Quelles batteries ?

En Haut une batterie AGM de service
En bas une batterie moteur classique


Le parc "standard" sur un voilier est un parc scindé en deux : une partie en décharge lente pour le service (souvent technologie AGM ou Gel), et une partie avec forte capacité pour le démarrage des moteurs (type batterie de voiture).


Sur Unavoq II, nous savions lors de l'achat que les batteries AGM étaient en fin de vie. Elles tenaient difficilement la nuit avec juste un réfrigérateur branché alors que le parc avait une capacité totale de 480 Ah, donc environ 240 Ah utilisable.  Le frigo consomme environ 4-5 A, soit 60 Ah la nuit. Quand une batterie ne "tient" plus, la tension chute lors d'une faible utilisation puis elle remonte quand elle n'est plus utilisée (la tension fait le yoyo). Dans ce cas le frigo n'arrête pas de redémarrer car il se coupe si la tension passe en dessous d'un seuil  (environ 11,50 V)

L'étude que nous avons menée a consisté à comparer d'une part les coûts d'un nouveau système et d'autre part l'opportunité de profiter de nouvelles technologies. Avant notre départ de France en 2018, le devis pour l'achat d'un parc de batterie lithium était de plus de 5 000 €, sans compter les modifications à faire sur le réseau électrique.  Pour 1 300 €, nous avions alors simplement changé nos AGM.

Pourquoi essayer de changer de technologie ? Car les batteries au plomb (que ce soit AGM, Gel, voiture) ont 2 contraintes :

Cellules Lithium de 3,2 V

- on ne peut utiliser que 50 % de leur capacité, sinon elles s'abîment rapidement
- on ne peut pas les utiliser longtemps par forte chaleur sous les tropiques (durée de vie divisée par 2 !)

Elles sont aussi très lourdes (plus du double du poids des batteries lithium), et encombrantes (deux fois plus grosses). On parle de 150 kg de batterie pour un parc de 480 Ah quand même.

Pourquoi changer de technologie ? Car les batteries au lithium acceptent toute l'énergie que vous lui donnez. Si vos panneaux solaires fournissent 60 A, pas de souci, alors que les batteries issues de la technologie "plomb" seront limitées (20 A pour notre ancien parc). C'est un atout non négligeable de pouvoir recharger les batteries rapidement, car il n'y a pas besoin de soleil toute la journée !

Quand nous avons traversé le Pacifiques, nous devions faire tourner le générateur tous les 4 jours faute d'avoir assez de soleil. Pendant les 15 premiers jours, nous n'avons jamais eu de journée complète de soleil. On avait alors des AGM.

Durant la recherche de nouvelles technologies, nous avons vite écarté les batteries lithium ion classique (conception datant de 1991) : beaucoup de rappels constructeur, des incendies, des explosions ont été rapportées avec ce type de batterie.

Une autre technologie apparue plus "récemment" (en 1996) concernent les batteries lithium LiFePo4 (Ferro Phosphate). Les retours des utilisateurs nous ont semblé bon et sécurisant (notamment les tests de perçage, incendie et surtension).

D'autres technologies existent (cet article est de septembre 2022), mais ne sont pas disponibles pour le commun des mortels que nous sommes, et / ou ne sont pas produites industriellement. 

La quasi totalité des batteries provenant de Chine, nous avons contacté directement les usines de fabrication par Internet et proposé un achat groupé aux voiliers de Polynésie par le bouche à oreille et Face de bouc :)

Patricia réceptionne la palette chez le transitaire

Le coût de transport était de 1 300 € (forfait minimum de 2 palettes), plus environ 900 € de frais de paiement (Dollar / Paypal) et de transitaire, pour un montant total de 15 000 € de commande et 22 batteries.
Résultat : 7 personnes, on divise donc par 7 les frais !
Coût unitaire de la batterie de 300 Ah : environ 720 €

A la louche, pour 1400 € on a eu un parc de 600 Ah en lithium LiFePo, soit quasi le prix d'un parc AGM de 500 Ah. Il devient donc intéressant de se grouper pour profiter de la technologie Lithium.


Ce qui change dans le réseau


Une cellule de 3,2 V
Tout d'abord, il y a 2 types de batteries LiFePo : celles que vous achetez toute faites, et celles que vous montez vous-même. 

En effet, l'avantage du lithium est sa conception modulaire. Elle est fabriquée à partir de cellules de 3,2 V qui font 5 kg (pour les 300 Ah). Vous pouvez donc lui donner la forme que vous voulez. 

Le premier changement est l'introduction d'un BMS.

Le constructeur recommande fortement l'utilisation d'un BMS (Batterie Management System), carte électronique qui contrôle l'équilibrage des cellules de la batterie. En cas de surtension, chute de température, température trop élevée, demande trop forte de charge / décharge, le BMS isole la batterie. C'est donc un organe de sécurité et de maintenance.


Réception d'une carte BMS 

Le BMS est intégré dans les batteries "toute faite", mais pas quand vous commandez des cellules. Souvent l'usine qui fabrique les cellules (industrie chimique) ne fabrique pas les BMS (industrie électronique). Il faut alors bien connaître ce que l'on veut construire pour commander les bons BMS. C'est le BMS qui limitera l'utilisation de la batterie, il faut donc bien le dimensionner.

Pour notre part, j'avais besoin de 600 Ah en 12 V, répartis sur 2 batteries (par sécurité et pour éviter un black out), avec charge de 100 A max et décharge de 200 A max. J'ai donc commandé 2 BMS avec ces paramètres : un par batterie. Nous avons aussi demandé des BMS possédant le Bluetooth afin de facilement tout voir sur téléphone. Enfin l'avantage de construire soit même sa batterie : j'ai aussi commandé un BMS de secours et une cellule de secours. Ne pas oublier que le BMS est un circuit électronique, donc sujet aux pannes...

Nota : tous les BMS ne font pas l'équilibrage de cellules, c'est une option intéressante que je recommande fortement, elle est appelée "Load Balancing"

Isoler chaque batterie :

BMS connecté seul à la batterie pour équilibrage des cellules

Contrôle des 4 cellules

Le premier principe est d'isoler les batteries avant de les intégrer au réseau afin que chaque cellule soit équilibrée. 0,01 V d'écart est tout à fait tolérable.

Le second principe est d'isoler chaque batterie au sein même du réseau. Noter que le moins est commun Avant le BMS, et le plus commun Après les disjoncteurs.
Si un BMS coupe le courant, vous pouvez alors disjoncter la batterie et isoler totalement la batterie du réseau.




Monitorer la tension :

Le fait d'ajouter des connections / disjoncteurs, modifie la tension de votre circuit. Par exemple, entre le chargeur solaire et nos batteries, nous avons 0,3 V de différence mesurée. Il est important que les chargeurs puissent voir la "vraie" tension, celles aux bornes de la batterie, sinon le circuit de charge ne peut pas être paramétré correctement. 

Exemple de sonde de tension
avec bluetooth

Par exemple, dans un premier temps j'avais augmenté de 0,3 V la tension du chargeur solaire. Ça ne fonctionnait pas, car si le courant est fort (comprenez l'intensité), la différence de tension augmente aussi. Il faut donc un voltmètre au niveau des batteries qui indique au chargeur qu'elle est la tension réelle. Le voltmètre doit communiquer (par fil ou par bluetooth) avec le chargeur. Bien vérifier que les chargeurs puissent communiquer.




Modifier le chargement par l'alternateur :

Comme les batteries lithium absorbent toute l'énergie donnée, il est nécéssaire de prendre des précautions au niveau des alternateurs moteur. Un alternateur standard de 70 A, ne peut pas fournir cette intensité durant des heures s'il n'est pas refroidi. Le risque est que l'électronique ou les bobines de cuivre fondent...
Il faut donc modifier ce système. Plusieurs choix sont possible :

- Changer pour des alternateurs refroidis (compter 1 500 € pièce), matériel complexe donc on rajoute du compliqué....
- Débrancher le câble qui relie le répartiteur aux batteries lithium, afin que les alternateurs ne rechargent plus que les batteries moteur. Comme nous voulions quand même profiter de l'énergie moteur pour recharger les batteries lithium (ceinture, bretelles et parachute...), nous avons installé un petit chargeur DC-DC entre les batteries moteur et les batteries lithium. Il se déclenche automatiquement si la tension de la batterie moteur dépasse un certain seuil. Inconvénient, il est limité à 30 A et coûte 200 €.


Protéger les BMS

Les 2 BMS et 8 cellules lithium
En bas les batteries moteur


Les BMS protégés dans une boite "maison" en Komacel
Le bornier négatif est dessus

Bilan

De notre expérience je retiendrai :
  • Le changement de technologie est un projet complet qui demande à bien connaître ses besoins et son réseau électrique.
  • Le coût des batteries lithium devient abordable et cette technologie a bien des avantages :
    • poids du parc divisé par 2
    • volume du parc divisé par 2
    • déplacement et manipulation du parc facilité (module de 5 kg versus batteries de 35 kg)
    • puissance du parc utilisable de quasi 90 % (versus 50 % pour des AGM)
    • tension du parc quasi toujours au dessus de 13,2 V (très peu de variation de tension)
    • chargement beaucoup plus rapide
  • Coût global du projet pour un parc de 620 AH : environ 2 000 €, en ayant tout réalisé nous même
  • Un sujet passionnant, où l'on apprend beaucoup. Pour toute la partie purement technique, nous avons fait confiance au constructeur et suivi ses préconisations.
  • Les inconvénients constatés :
    • L'import de batteries lithium prend du temps et nécessite de l'organisation. Par exemple il a été compliqué de payer 15 000 €, l'usine chinoise exigeant différents modes de paiement. Nous avons du payer en 3 fois, par Paypal / Visa / virement bancaire. Le projet a duré 6 mois entre le moment des devis et l'installation opérationnelle à bord.
    • Nous avions sous estimé le travail d'installation des cellules : il a nécessité une journée de soudure tant il y avait de cosses à sertir /souder (une cinquantaine pour 2 batteries !)
    • Nous avions sous estimé le coût matériel d'installation des cellules : achat de 50 cosses et une vingtaine de câbles, chargeur DC-DC, disjoncteurs, bornier, sonde de tension... cela chiffre vite.
    • Les 8 câbles de chaque BMS doivent avoir la même longueur, et les 2 batteries doivent avoir la même conception de câblage.   
    • Les batteries LiFePo ne sont pas rechargeables en dessous de 0°C. Exit donc les voiliers qui vont aux Pôles, sauf à bien chauffer le compartiment batterie.

Schéma de référence :


Tous les câbles de connexion pour un BMS

Schéma du réseau avec les modifications en vert