mercredi 29 avril 2020

Pandémie et Tour du Monde


Après avoir tant attendu à Curaçao les pièces nécessaire à la révision du moteur, nous voici prêt à reprendre la mer. Encore quelques jours pour avoir une météo favorable et nous partons.`

Soudain on apprend qu’en Chine puis en Europe arrive un petit virus qui contraint tous les habitants de la planète à rester chez eux. Au fur et à mesure, les ports des différents pays autour de nous ferment. Les gouvernements prennent des dispositions de plus en plus restrictives. Est ce raisonnable de s’aventurer dans ces conditions vers la Colombie, les San Blas et Panama ? On se donne encore quelques jours pour voir comment la situation évolue. Nous sommes début mars 2020, cela fait 2 mois que l'on là, il nous tarde de partir.

Pandémie de 2020, situation du mois de mai

En une semaine, tous les ports se mettent à refouler les bateaux et ferment leur frontière. Panama a même fermé le canal pour les voiliers : c'est une première. On ne peut plus aller nulle part sauf rejoindre la Martinique contre vent et courant (avec mise en quarantaine quand même).

Le Coronavirus,
plus communément appelé
Covid-19 est arrivé.

Bref, nous voilà coincés à Curaçao encore plusieurs jours, ce qui n’est pas si mal tout compte fait.
Ici on est au mouillage (pas de frais de marina) et nous avons la possibilité  de nous ravitailler dans les supermarchés à proximité et pas de confinement stricte, ni d'autorisation écrite comme en France.

Les jours passent et les mesures deviennent de plus en plus strictes ici aussi. Les avions deviennent de plus en plus rares, et plus aucun bateau de croisière n'est accepté à Willemstad.

Mi-mars, nous sommes à la plage pour plonger. Nous apercevons un voilier au mouillage devant l'ile. Nous apprenons alors qu'une famille avec enfant se voit refuser l'accès à Curaçao. Ils avaient réservé à la marina et téléphoné avant de partir une semaine avant. Mais la situation évolue vite, plus aucun bateau n'est accepté. Le chef de bord refuse de partir car il ne peut aller nulle part ailleurs. Il entre au mouillage principal et se met en quarantaine de lui même.

Commence alors un tour des douanes et du "port authority" qui contrôlent tous les bateaux présents au mouillage. Les bateaux en situation irrégulière (sans permis d’ancrage ou sans visa) sont soit mis dans la zone de quarantaine, soit sommés de quitter l’ile. Plusieurs bateaux sont arrivés et certains ont trouvé les bureaux du ports ou ceux de l'immigration fermés. Normal qu'il y ait des irrégularités...

Les voileux ne se laissent pas faire, résistent et refusent de partir. L'autorité portuaire menace de couper les chaînes, d'envoyer les récalcitrants en prison ! Véridique. Finalement tous les bateaux avec des soucis de papiers seront mis en quarantaine dans une zone à part du mouillage et seul un bateau acceptera de partir 10 jours plus tard.

Cette situation électrique vécue avec les autorités n'est pas isolée. On lira plusieurs fois sur Internet que tel ou tel pays expulse (comme Cuba par exemple) ou rabroue (comme la Jamaïque aussi) certains  voiliers. Les petits chefs locaux à qui la pression est mise et dont les ordres ne sont pas clair ou "hors process", se sentent dépasser et réagissent violemment.

2020, et le monde devint fou...

Adieu la diplomatie, cette gestion douce du tourisme qui rapporte tant de devises. Dans ces cas là, j'ai lu que les français s'en sortent plutôt bien : il paraît qu'ils ont l'habitude de faire ceux qui ne comprennent pas, et qui s'assoient en attendant que la situation se débloque. Vous avez bien lu! Regarder dans les guides de navigation de Franck Virgintino, c'est écrit. Dans les faits, on a pu constater que ceux qui se débrouillent le moins bien en langue anglaise notamment, sont pour la plupart Français. Ya-t-il un lien de causalité ?

En ville, les mesures de protection sont mises en place dans les supermarchés. Désinfection des mains et des caddies systématiquement pour chaque personne entrante. Il y a 14 personnes contaminées dans l'ile, elles sont à l’hôpital ou confinées à domicile.

Puis le 28 mars ce sera le couvre-feu tous les soirs de 21h à 6h, et enfin le confinement total nous obligeant à rester sur nos bateaux le 30 mars.

Les seules sorties autorisées alors sont les avitaillements au supermarché, une personne par bateau . On a aussi le droit de se baigner autour du bateau.

Pendant ce temps, on s’occupe comme partout ailleurs. La coque a été astiquée, les boiseries ont été revernies, tout brille et est entretenue. On a ainsi fait une checklist des travaux à faire.
Chaque jour notre planning travaux avance.

C’est aussi l’occasion d’organiser des jeux et des activités avec les voisins. On partage nos expériences et nos aventures. Un site et un WhatsApp ont été créés ici pour permettre  d’échanger des informations. On se tient ainsi informer de l’évolution du traffic dans le monde.

On s‘échange des films et on s’entraide car il n'y a plus de magasins de bricolage ou d’accastillages ouverts. Au moins on ne se sent pas seul.

En avril, des informations nous parviennent sur la situation au Panama. Le consulat australien négocie le passage de voiliers australiens qui doivent rentrer. La procédure habituelle est simplifiée, un seul "advisor" du canal pour 3 voiliers est requis, et aucune aide extérieure. Débrouillez-vous pour trouver 4 grandes amarres et 7 personnes pour passer le canal. Dans les faits, si vous naviguez à 2, il faut trouver un voilier copain naviguant avec 3 personnes et le tour est joué.

Le 20 avril, Curaçao autorise les déplacements individuels le matin de 6h à 9h et de 17h à 20h. On en profite pour faire des promenades tous les soirs avec le voilier Inouï (Didier et Marie-Noelle).

Marie-Noelle et Patricia un soir de déconfinement

Le 23 avril, le gouvernement de Curaçao se penche sur les problèmes de visa. Nous avions un tampon d'arrivée sur notre passeport, et nous étions autorisés à rester 3 mois.

Normalement si vous voulez rester encore 3 mois, il faut en faire une demande écrite et payer 530$ (pour nous deux). Mais voilà, nous ne voulons pas payer pour rester. Aussi nous ne faisons pas la démarche de demande de prolongation. Le 3 avril nous devenons donc émigrés en situation irrégulière.

Bien nous en a pris, car le gouvernement décide ce 23 avril d'autoriser les personnes présentes sur l'ile tant qu'elles ne peuvent rentrer chez elles ou partir vers leur destination. Youpi, on redevient en situation légale.

Les nouvelles en provenance de Panama sont bonnes : on peut enfin partir et une fenêtre météo nous permet de quitter Curaçao le 29 avril. Ouf, on devait rester 3 jours pour l'avitaillement et finalement on est resté 4 mois quand même.

Nota bene : En ce mois de mai 2020, c'est assurément un moment historique que nous vivons. Un de ces moments qui entrera  dans les livres d'histoire de la prochaine génération. 

Pour nous Tourdumondiste, il y aura un avant Covid et un après. La liberté de circulation en voilier telle que nous la connaissions vient de disparaître. Nous assistons à un retour en arrière de 200 ans, quand les grands voiliers devaient effectuer des quarantaines de 40 jours en cas de suspicion de maladie à bord. La nouvelle norme semble être de 14 jours de quarantaine, espérons que le protocole finisse par disparaître aussi rapidement qu'il est apparu.

Panneau de la marina de Turtle Cay au Panama
(d'où nous écrivons ces lignes)
et définissant le
Quai de la quarantaine