mardi 14 novembre 2023

Vanuatu : Erromango

Petite halte sur l'ile d'Erromango

Après quelques jours de dépaysement total passés sur l'ile de Tanna, nous reprenons la mer en direction de Port Vila où nous pourrons terminer  les démarches obligatoires nécessaires à notre entrée dans ce pays.

Avec Pierre, Anouk et Rodolphe du catamaran Nanuk, nous décidons de nous arrêter en chemin sur l'ile d'Erromango, tandis que Philippe et Florence du catamaran Kermotu filent directement vers l'ile d'Efate.

On se retrouvera dans quelques jours à Port Vila.
La traversée est bien agréable. Pas trop de vent, l'occasion de sortir le spi et de profiter de la navigation. Pour la petite histoire, nous avions tous bridé le spi au départ car la houle les déventaient. La pose d'une bride empêche le spi de monter et de battre au vent si celui-ci n'est pas constant ; Cela permet de ne pas l'abimer. Qui veut aller loin, ménage sa monture.

Nanuk sous gennaker

Par contre, quand le vent et les vagues ont tourné, nous avions laissé la bride à notre spi, peut-être par fainéantise... Voyant nos voiliers copains prendre de la vitesse et pas nous, nous nous sommes posées des questions. Certes nous étions plus près de la côte qu'eux, mais quand même, ils allaient beaucoup plus vite que nous. Rentrant dans le cockpit pour boire un coup, les voiliers copains qui nous avaient joyeusement grillés nous font la remarque sur la bride. On l'enlève, le spi libéré monte, et là pouf, on prend d'un coup 2-3 noeuds de vitesse. Sur une navigation d'une journée, nous sommes arrivés plus d'une heure après les voiliers copains au mouillage d'Erromango. Comme quoi, on n'arrête pas d'apprendre.


Il nous faudra une bonne journée pour arriver dans la baie de Dillon
Ici la brume matinale au lever du soleil le lendemain

Dès notre arrivée, nous sommes accueillis par David qui nous souhaite la bienvenue et nous convie le lendemain matin à le rejoindre au Yacht club de l'ile.

La pirogue à balancelle de David

En dinghy, nous rejoignons la plage et retrouvons David qui nous aide à monter les bateaux sur la rive car il n'y a pas de ponton et la baie foisonne de cailloux. Nous devons porter les dinghy et les assurer à terre à cause de la marée et des vagues qui laminent le bord de l'eau.

Le Yacht Club d'Erromango

David nous conduit vers le Yacht club qu'il a construit ainsi que sa maison où il habite avec sa femme et ses enfants. A l'intérieur on découvre un lieu bien agréable, sobre, décoré de drapeaux et d'objets laissés par les navigateurs de passage ainsi qu'un livre où chacun est invité à laisser quelques mots.

Tous les drapeaux laissés par les visiteurs décorent le lieu

Alain et Pierre 

David présente à Anouk les livres où il nous invite
 à laisser un message de notre passage

Ce lieu est aménagé et permet de pouvoir partager de bons moments de détente. Il abrite aussi quelques livres intéressants sur la culture et l'histoire locales, notamment le livre d'ethnologie d'Anna Naupa qui a la particularité d'être écrit en 4 langues : en langue locale nommée Sie, en Bichlamar, en anglais et en français.

ISBN 9789829132017

A la lecture de ces livres, on apprend que les contacts avec la population ont été difficiles pour les explorateurs jusqu'au 20 ème siècle (les explorateurs recherchent alors le bois de santal). De nombreux étrangers furent exécutés, et même mangés... L'affaire est bien connue des milieux missionnaires protestants du Pacifique, dans la mesure où le drame a concerné plusieurs pasteurs, dont l’un était célèbre (John Williams, 1796-1839).

Une maison typique dans le petit village
Toiture en feuilles de pandanus séchées

170 ans après, le drame de John Williams refit surface (en décembre 2009). Les descendants du pasteur et de sa femme Mary ont accepté de se rendre à Erromango pour participer à une cérémonie de réconciliation entre les descendants des cannibales et ceux des missionnaires sacrifiés. C'est un peu comme si je devais presenter des excuses aux descendants ukrainiens du fait que mon aïeul était dragon dans l'armée napoléonienne et avait sans doute semé la terreur parmi la population... 

David nous explique que la situation de l'ile est difficile depuis le passage des 2 cyclones cette années 2023. Très peu d'aide est parvenue et il manque de la nourriture essentielle.

Comme pour les habitants de Tanna, nous leur apportons ce qui nous reste de nos réserves, soit du lait en poudre, de la farine, du riz, du café, des céréales... Cela sera partagé par David avec les habitants du village.

Un des nombreux jardins potagers
(seul moyen de s'alimenter, les cyclones ont abimé les arbres fruitiers)

Après ces moments d'échanges, David nous propose une visite guidée de l'ile (la visite sera finalement payante... et nous ne verrons pas les grottes, anciens cimetières locaux aux ossements bien rangés)

Nous traversons ainsi le village avec ses maisons d'habitations, ses jardins et ses écoles. Les écoles n'enseignant pas dans la même langue et n'ayant pas les mêmes ressources financières, elles ne se mélangent pas.

Les serres où sont préparées toutes les semences

Comme nous l'avions demandé, il nous conduit vers l'école française (les classes où les cours sont enseignés en langue française)
Nous sommes invités par la maitresse à entrer dans la classe bien studieuse. Anouk et Pierre en profitent pour distribuer aux enfants des sucettes et des brosses à dent (qui vont de pair avec les sucettes) mais aussi un peu de matériel scolaire.

Une classe joliment décorée où la maitresse enseigne le français

Distribution de sucettes par Anouk et Pierre
succès assuré :)

Nous continuons la visite jusqu'à la rivière où une large étendue d'eau douce permet de se baigner.

Pierre et Rodolphe à l'eau

Alain en grande discussion avec David

De retour, nous demandons à David l'autorisation de diner le soir au yacht club. Comme nous commençons à manquer de viandes ou de poissons pour autant de personnes, Pierre propose d'apporter son four à pizza.

Le soir venu, ce sera un beau moment convivial où notre pizzaïolo (Pierre) régalera toutes la tablée avec de délicieuses pizza confectionnées avec tous nos ingrédients restants.

Notre Pizzaïolo devant son four à Pizza portatif

Les petits enfants de David qui découvrent la pizza à emporter

L'île d'Erromango mériterait un arrêt prolongé, car de nombreuses promenades en forêt vierge sont possibles. Cependant, le mouillage n'est pas très protégé de la houle, et nous n'avions pas prévu assez de nourriture pour rester.
Après une journée passée sur l'ile, le lendemain au petit matin, on part rejoindre l'ile d'Efate où nous devons terminer notre clearance. 

La météo est bonne, mais on s'attend à avoir des vagues croisées une fois sorti de la protection de l'île. On apprendra à l'arrivée, que durant la nuit, un petit avion de tourisme s'est crashé en mer non loin de notre route. Les 4 passagers et le pilote seront secourus. Bien que nous ayons laissé la VHF sur la canal 16 en veille toute la nuit, nous n'avons rien entendu. En mer, la portée de la VHF ne dépasse que rarement les 30 mn entre bateaux.

Ps: nous écrivons ces lignes depuis la Nouvelle Calédonie où nous passerons la saison cyclonique.