vendredi 28 février 2020

Curaçao

Curaçao : ile de contrastes

Willemstad, élégante capitale colorée 
(cliquer pour agrandir)

Nous quittons Bonaire le matin vers 9h afin d'arriver à Curaçao avant la tombée de la nuit. La navigation est un peu inconfortable jusqu'à l'arrivée à l'Est de Curaçao du fait des courtes vagues de travers : cela secoue 3-4 heures. Ensuite le sens des vagues change un peu en passant plus arrière au milieu du chenal, et l'on peut enfin manger confortablement vers midi. La remontée de Curaçao est plus calme, vent trois quart arrière protégés de l'ile.

Il y a moins de 40 miles, donc sept-huit heures de navigation pour peu qu'il y ait du vent. Les zones de mouillages étant réglementées, on ne peut pas mouiller où l'on veut. La seule possibilité pratique se trouve à Spanish Water mais l'entrée est délicate, il vaut mieux passer de jour. Croiser un autre navire en entrant n'est pas recommandé tant c'est étroit.

La passe d'entrée est à droite
Etroite et chahutée, il faut bien rester dans la zone sombre au milieu
Une fois passé l'entrée, il faut rester vigilant aux couleurs de l'eau car le chenal reste étroit, sinueux et parfois peu profond. On mouillera dans la zone A, celle qui est plus ventée mais plus près du ponton aux zodiacs. Le vents aère le bateau, il ne nous gène pas, au contraire. Les autres zones sont parfois étroites et présentent des difficultés lorsque le vent tourne (risque de collision lors de l'évitement). Il ne faut pas trop se mettre sur les bords ou au fond de la baie, des écueils et des épaves s'y trouvent un peu partout. La tenue du mouillage est réputée mauvaise, mais avec 45 m de chaîne dans 6 m d'eau nous n'avons pas eu de souci même par 40 noeuds de vent. Le fond où nous sommes est composé de sable un peu dur, mais l'ancre s'enfonce bien une fois accrochée (Zone de mouillage A). En venant de Bonaire, on est déçu par l'eau de couleur peu engageante et parsemée de petites méduses rondes.

Notre pavillon jaune est envoyé à bâbord en même temps que le pavillon de Curaçao à tribord. Il nous faut faire une nouvelle clearance ici, car les 3 iles néerlandaises ABC (Aruba, Bonaire et Curaçao) sont indépendantes les unes des autres. Comme il est 17 h, on décide de ne pas y aller ce soir mais de profiter du "happy hour" du restaurant The Pier pour rencontrer d'autres équipages. Tous les jeudis soir, le Pier devient un lieu d'échange des voileux. Le restaurant propose un repas "type" pour tout le monde à 10 Euros ; c'est conviviale.

Le lendemain matin, on dépose l'annexe au ponton des pêcheurs, puis on part attendre le bus 6A au rond point juste à côté. Il ne viendra pas. Heureusement la ligne est parcourue par des taxis collectifs. Direction le centre ville, avec la première administration : les douanes, bâtiment gris (photo ci-dessous). Il se trouve qu'en ce moment (janvier 2020) c'est grand travaux aux douanes, donc il faut chercher leurs bureaux temporaires en ville en traversant le petit canal. Nous avions fait les démarches par Sailclear sur Internet : cela nous permet d'éviter de remplir en six exemplaires les formulaires au carbone. Pour nos amis voileux, noter le numéro de votre demande sur Internet, car à Curaçao ils sont vite perdus pour vous retrouver par le nom du bateau ...

A gauche le bâtiment gris des douanes, "Custom" en anglais
Une fois les "customs" fait, on traverse la ville en prenant le grand pont flottant puis on longe les quais direction le port autonome. Là se trouve l'immigration qui tamponne gratuitement les passeports. Enfin, en sortant de l'immigration, il faut monter dans le bâtiment de gauche pour payer la redevance de mouillage valable 3 mois (10 us$). Vous devez donner la zone que vous utilisez. En cas de changement de zone, re-belote.
C'est la deuxième fois que l'on doit faire un pareil parcours du combattant (la première fois étant le Vénézuela). Dans la plupart des pays que nous avons visité, toutes les démarches étaient regroupées au même endroit. Nos prochaines escales étant en zone hispanisante, ce sera là aussi tout un poème (je pense à la Colombie ou Panama). Au moins on se sera fait la main tranquillement car ici on se débrouille en anglais.

Autre pays autre monnaie : ici tout se paye en Guilden, le florin des Antilles, ou en dollar américain avec un taux de change immuable. Les distributeurs de billets délivrent l'une ou l'autre monnaie à la demande : il faut en profiter pour refaire des réserves de dollar en petite coupure, cela sert partout dans le monde entier.

100 Guilden = 50 €

Le Gulden, monnaie locale avec ses beaux oiseaux
1€ équivaut à 2 NAF (Netherlands Antilles Florin)
La capitale de l'ile est Willemstad, elle se parcourt à pied car le centre ville est peu accessible aux voitures. 

Carillon en centre ville (sous l'horloge)
Le bandeau sous les cloches sert de parcours
pour de petites marionnettes qui apparaissent quand il sonne.
Défilé de petites marionettes aux heures pleines


Peinture sur facade
Dushi par ci, Dushi par là
on le trouve écrit partout
en voilà la définition
Pour les non-anglophones, voici notre traduction :
Dushi, prononcer dou-che-y
Dushi est un mot commun issu de la langue Papiamentu (dialecte local).
Le mot a plusieurs significations :
Appeler quelqu'un dushi équivaut à l'appeler "mon coeur", "mon amour", voir plus intime...
Cela s'utilise aussi pour qualifier des mets (notion de douceur) ou décrire les bonnes choses de la vie.


Queen Emma
Pont tournant flottant

Le pont est piéton

Beaucoup de touristes arrivent par bateaux de croisières
telles des nuées d'insectes aux couleurs flashies

En janvier-février il y a parfois des ondées tropicales
qui favorisent les contrastes lumineux
au plus grand plaisir des photographes

Le pont repose sur des sortes de flotteurs
il s'ouvre et se déplace à l'aide d'un flotteur propulsé par un moteur thermique et 2 hélices

La rencontre avec la faune local se fait généralement à distance, ce qui complique la prise de photo. Cependant, le plus surprenant d'entre eux n'a pas été pris en photo facilement non pas à cause de la distance, mais du fait de ses agissements nocturnes. Il s'agit d'une chauve-souris. Elle est attirée le soir par les odeurs de banane. Silencieuse, elle ne se fait pas remarquer. Mais le lendemain, l'on retrouve nos bananes avec un trou sur le coté et l'intérieur mangé, plus quelques crottes sur les banquettes pour faire bonne mesure. Les deux voiliers avec qui l'on avait fait connaissance ont aussi eu la même surprise que nous. Du coup le soir, on ferme la capote et les panneaux de pont avec la moustiquaire pour empêcher mademoiselle Bath de venir se servir dans nos filets de fruits.

Dégâts réalisés par la Chauve-souris

Chauve-souris
peut être "Chiroptera" Glossophaga longirostris

elle possède une petite corne sur le nez

Nous avons pu filmer sa capture, la petite vidéo de l'évènement est visible en suivant ce lien : Visite nocturne de la chauve-souris 

Avec un peu de patience, on arrive quand même à tirer les portraits de certains comme ci-dessous.

L'habituel Iguana Iguana
peu farouche et goinfre de fruits & légumes à ses heures perdues

Tortue verte en bord de plage
(Chelonia Mydas)
Caracara
(Caracara Plancus)

Le célèbre papillon Monarque
qui est un papillon migrateur "longue distance !"
(Danaus plexippus)

L'Oriole de Baltimore
oiseau migrateur entre l'Amérique du Nord et les tropiques

(Icterus galbula)

Comme nous avons du temps car la météo en janvier et février n'est pas propice à traverser la mer des Caraïbes, nous visitons doucement l'ile. La plupart des informations que l'on avait lu sur Noon site sont obsolètes : l'économie est au ralentie en ce début 2020, et à Spanish Water pas mal d'entreprises ont disparu. Nous réussirons à louer une voiture pour 25 us$ par jour, assurance comprise, mais ce fut long de trouver l'oiseau rare (je parle du loueur). En fin de séjour nous trouverons aussi à louer une petite voiture pour 15$ par jour, mais de la main à la main en "prêt" de véhicule : rechercher Denis sur les forum pour cela.

L'ile n'est pas bien grande, et en une journée on en a fait le tour. Les sites touristiques sont petits et bondés, surtout quand les grands cruisers sont à quai à Willemstadt. Aussi on passe, mais après un bref tour on fuit ces lieux. 

La très touristique Playa Forti

On trouvera 2 zones hors circuit qui nous enchanteront : la première ci-dessous nommée "Un Boca". Il s'agit d'une coulée de lave avec un effondrement laissant apparaître les couches géologiques sous-jacentes. 


Coulée de lave et faille

L'érosion de la couche sédimentaire inférieure a cassé la roche dure supérieure de la coulée de lave dont l'épaisseur atteint par endroit 2m. Ce phénomène a laissé apparaitre une belle plage de sable fin.

Plage de la faille de "Un Boca"

Ici la lave a poussé la roche sédimentaire inférieure
qui au contact de l'eau  a créé des plaques de roches plates.
De vraies piscines de mer.

Un peu d'escalade pour atteindre la plage


On s'y sent bien !
Sur la cote Nord Est près de playa Canoa
on peut admirer le phénomène d'érosion en cours de processus :
ici la couche de lave forme une arche
son poids la fera s'effondrer quand la couche géologique inférieure aura disparu suffisament 
En redescendant le long de la cote Nord vers l'est, on peut observer le même phénomène d'érosion, mais à plus grande échelle à Boca Ascension. Là un petit parcours piéton mène sur un grand plateau de lave où l'on peut voir des tortues en contre-bas dans l'eau claire.

Boca Ascension
L'endroit est touristique et aménagé plutôt pour les familles locales
Ne pas se formaliser au début du parcours qui est sale...
Parcours dans les cactus à Boca Ascension

Plus à l'Est encore, on ira se baigner à la playa Canoa. Belle plage hors des sentiers battus, entretenue par un local qui nettoie la plage tous les jours au râteau : qui a dit que tous les locaux sont sales ? Peu d'eau au début, et ensuite de belles cailles (roches plates avec des caches en dessous) où les plus beaux poissons se cachent timidement. 

Playa Canoa
Visite d'une distillerie de liqueur de Curaçao, 
qui est en fait un triple sec avec toutes sortes de colorants 
le plus connu étant le bleu

50 ans du carnaval de Curaçao, 
une journée complète de défilés

Le carnaval se tient en février
Il est "bon enfant" et très fourni










Comme l'on est resté 2 mois sur place, nous avons rencontré plusieurs voiliers de voyage comme nous : le voilier Fredom avec Dominique et Frédérique, le voilier Starlight II de Jean-Francois et Sylvie battant pavillon canadien, le voilier Nana battant pavillon allemand avec Catherina et Daniel, le cata Mochima avec Michel arrivé depuis 3 mois, le cata Kermotu avec Florence et Philippe et d'autres encore avec qui nous avons échangé plus brièvement.  

Rencontre du voilier Starlight II
avec 
Sylvie et Jean-François qui naviguent depuis le Canada
ici au fort Beekenburg de Caracas Bai.



Fort Beekenburg de Caracas Bai.


Caracas Bai

Rencontre du voilier Kermotu 
avec 
Florence et Philippe qui naviguent depuis la Bretagne


Maison locale aux murs penchés
Photo prise avec drone, merci Kermotu

La visite de la plantation d'Aloe Vara a été aussi intéressante. Elle comporte un long parcours explicatif sur la végétation de l'ile. Depuis notre découverte de cette plante aux Canaries, nous en cultivons à bord. Sa gelée intérieure apaise les imitations et les coups de soleil, diminue voire supprime les tâches brunes et les grains de beauté.

Visite de la plantation d'Aloe Vera

Villa au bord de Caracas Bai
Curaçao est un paradis fiscal, et cela se voit.

L'avantage d'avoir un bon dinghy
c'est de pouvoir aller loin dans la baie pour visiter
Playa Jeremi nichée dans une petite anse
Utilisée par les locaux en famille et parfois un car de touristes...
Coté mauvaise surprise, notre bouteille de gaz remplie à Bonaire s'est vidée en un mois au lieu de deux. Elle a été mal remplie à la marina ; on avait un doute car elle on la trouvait bien légère, maintenant on en est certain... Les statistiques de consommations tenues par Patricia sont bien utiles dans ces moments là.

A Curaçao, impossible de faire remplir nos bouteilles malgré l'adaptateur américain que nous avons. Cet adaptateur est trop long de 2 cm pour le système de Curoil car il faut le visser sur un robinet. La bonne volonté des intervenants n'a finalement pas pu nous sauver, bien que nous ayons visité les usines / stations de gaz / magasins de bricolage. Possédant 3 bonbonnes de 2,75 kg, nous avons encore du gaz pour tenir jusqu'en avril avec la dernière bouteille. Espérons que le remplissage ne pose pas de problème à notre prochaine escale...

Système américain : grosse vis
En cas de souci, nous avons aussi 3 petites Butagaz de camping montant sur notre réchaud d'expédition. Elles ne doivent servir que pendant les longues traversées si nous avons un souci avec la gazière ou les bouteilles. Ceinture et bretelles certains diront :)

Pour ceux qui comme nous voyagent loin, nous conseillons de prendre en plus de vos petites bouteilles, une bonbonne de 13 kg. La mettre dans la baille à mouillage ou un coffre de pont est une bonne idée, surtout si elle est en aluminium ou en fibre de verre. Ensuite, faire soi-même le transfert de gaz avec l'adaptateur. Ainsi, on porte l'autonomie en gaz à 18 mois au lieu de 6 mois.

Coté entretien, changement des joints de la pompe injection. L'axe de l'accélérateur avait un double joint torique sec, il commençait à goutter.



Pompe injection, le bloc de gauche

Couvercle retiré

Joint plat du couvercle et joints torique de l'axe déposé
Une astuce pour se faire envoyer un coli rapidement à Curaçao : prendre DHL Express et se faire livrer directement à l'agence de DHL Ils s'occupent de tout. Mettre voilier en transit sur le colis puis votre nom. Cela nous a pris une semaine pour le recevoir, alors que notre colis des USA n'est jamais arrivé en 2 mois d'attente. Compter quand même plus de 100 € de frais de transport, une dizaine d'Euro de douane (qui semble être forfaitaire), et 5 € de main d'oeuvre DHL. Le colis passe par Panama, et le suivi est facile quelque soit le pays contrairement à Chronopost.

Après cette longue attente à Curaçao liée à une météo très capricieuse et à la réception de nos joints, nous décidons de changer la suite de notre voyage. Il nous semble vraiment trop contraignant  de rejoindre la République Dominicaine avec cette météo instable vers le Nord et 4 jours de navigation avec une houle de travers aussi inconfortable qu'aux Canaries. Après réflexion, le choix est pris, la stratégie est repensée. Nous décidons de suivre les vents et les vagues, donc de partir vers l'Ouest par la Colombie puis les San Blas et Panama. 

Allons nous finalement traverser le Pacifique cette année ? 
Wait and see.

Sculpture avec cadenas des amoureux
au pont de la reine Emma