lundi 26 avril 2021

Polynésie : les Tuamotu (Makémo)

Makémo

Unavoq seul au mouillage
 
Pour atteindre notre première ile de l'archipel des Tuamotu en venant des Marquises, nous avions visé l'ile de Raroia. Ce choix est du à la géographie et aux vents dominants : pour visiter les Tuamotu en voilier, il est plus facile de le faire du Sud-Est vers le Nord-Ouest. La météo de la semaine précédent notre départ avait une CAPE (Convective Available Potential Energy) à 3700, ce qui signifiait un grand risque d'orage. Nous avons donc attendu à Fatu Hiva que cet indicateur baisse avant de partir. Il baissa régulièrement sur plusieurs jours, et confiant, nous sommes partis avec un indicateur à 1400.

Notre traversée fut rapide, mais pas avec la météo espérée. On attendait 15 nds de vent et 2m de vagues, on a eu des moyennes de 25 nds de vent, avec régulièrement 30 nds en rafale et un maximum de 40 nds, le tout avec des vagues croisées de plus de 3 m. Sportif le voyage, on n'a mis que 2 jours / 2 nuits, mais on a été vaseux limite malade alors que cela ne nous était plus arrivé depuis 2 ans. Bref, la prochaine fois, on partira avec une Cape à 500 max, cela nous apprendra à avoir sous estimé cet indicateur important.

Arrivé en face de Raroia, nous décidons de continuer sur Makémo. Le mouillage protégé de Raroia est sur la cote Sud Est, il faut donc traverser le lagon car la passe d'entrée est de l'autre coté. Avec le temps couvert et les orages, la visibilité dans le lagon est trop mauvaise pour traverser : on ne verrait pas les "patates de corail" qui jalonnent le parcours.

Vue aérienne de la passe d'entrée principale de Makémo

Le mouillage de Makémo est juste à coté de la passe d'entrée du village, et le chenal est très bien indiqué et large. On entre donc dans le chenal avec 30 nds de vent de face et de grosses vagues, mais très peu de courant (moins de 2 nds). L'eau bouillonne de toute part, mais c'est finalement facile d'atteindre le mouillage en suivant le chenal bien indiqué. Unavoq est seul au mouillage. Le soir même, on se prendra un dernier coup de vent à 48,5 nds enregistré par notre fidèle ordinateur de bord. Le mouillage tient ; en fait la chaine fait le tour d'une grosse patate de corail, on ne risque rien.
Le vent ne faiblissant pas, nous resterons encore toute la journée du lendemain sur le bateau sans descendre à terre.

Petit ponton des pêcheurs

Le jour suivant nous partons enfin découvrir cette nouvelle ile sous un soleil de plomb. Il faut faire attention en circulant en dinghy car un peu partout il y a des patates qui quelquefois affleurent la surface. On attache le dinghy au ponton des pêcheurs et faisons immédiatement connaissance avec une famille qui nous renseigne sur le village. On passe un très bon moment avec eux. Ils nous proposent des noix de coco fraiches en cadeau de bienvenue sur leur ile, nous leur rendons la pareil en leur offrant des citrons des Marquises, denrée très recherchée aux Tuamotu pour préparer le poisson cru.

Fort des renseignements pris, nous avançons sur la route principale et nous arrivons à la boulangerie du village qui propose également de l'alimentation. Par chance il reste une baguette mais la boulangère nous précise qu'il vaut mieux commander et réserver son pain la veille car la boulangerie ouvre à 5 heures du matin et très vite le pain est entièrement vendu. On commande une baguette (70 fr) mais surtout des pains au chocolat et des croissants pour le lendemain matin. Hum, des bonnes viennoiseries, cela embaume le cockpit et distille un "je ne sais quoi" de bonne ambiance à bord.

Le village de Pouheva vu depuis le haut de la tour de l'église
Au fond, le mouillage avec 5 voiliers ancrés dont nos amis Willy et Magali
sur Vela Dare qui sont venus nous rejoindre 

On continue notre balade et découvrons ce village de 700 âmes avec de jolies maisons sur des espaces de terre réduits entre la mer et la lagune. Il y a aussi deux autres magasins d'épicerie où l'on trouve la plupart des denrées nécessaires. La majorité des prix est correct, ce qui n'est pas le cas du restaurant : 54 Euros pour 2 steaks frites... Amis voileux, un ancien professeur de mécanique à la retraite peut vous dépanner, demander monsieur Henri. Il habite un maison en coin entourée de paillasse verte non loin de la boulangerie. Soudure, perceuse à colonne, tour, il est bien équipé.

Le temps est très instable,
 on se prend quelques grains rapides

A droite après la boulangerie (en venant de l'église), il y a aussi la maison de Jacques qui  cultive dans ses serres plusieurs légumes bio. On trouve des concombres, des tomates, des salades et autres. Comme Jacques a aussi des poules pondeuses, il vend des oeufs frais (500 fr les 12 oeufs, soit 4 €). Ce sera l'occasion pour nous de manger des oeuf à la coque avec du bon pain frais.

Nouvelle église de Makémo

Belle décoration avec des oriflammes colorées

En poursuivant notre balade on arrive à l'église du village puis à la mairie et au bureau de poste qui a un distributeur d'argent liquide. Celui-ci fonctionne 24h /24 (ne pas hésiter à tirer le portail pour entrer), et il accepte les cartes visa. Notez que normalement vous devez payer une toute petite taxe "ordure ménagère" à la mairie. Il est possible d'acheter de l'eau potable issue du désal de la commune. Un ticket est à payer à la mairie ; se rendre ensuite au local technique sur la route de l'aéroport. C'est 20 fr le litre (tarif 2021).
Coté téléphone & Internet : pour le moment c'est une connexion GPRS, mais la 4G devrait arriver été 2021 sur la commune.

A coté de la poste se trouve la maison de l'artisanat avec une belle exposition. C'est là que nous ferons la connaissance de la femme de François. Elle nous emmène chez eux découvrir l'atelier de son mari, le sculpteur de nacre. Il a gagné plusieurs concours, et cela se voit dans son travail de précision et son style toujours renouvelé.

François dans son atelier

Les nacres de profondeur
beaucoup plus grandes que les huitres perlières de culture

Parures en cours de réalisation

Détail des ciselures fines

Perle gravée surmontée d'un Tiki en nacre
commandé pour Alain


Perles de Makémo montées en pendentif

Nacres d'huitre perlière gravées, bracelets de perles cerclées
colliers de nacre sculptée ...
En bas, bracelet de Keshi
(perle sans noyau)

Bien que sa production soit à taille humaine, François livre ses créations sur commande aussi bien en Asie qu'en Europe ou à Tahiti.

En fonction des arrivages des bateaux ou des avions, on trouve des fruits et des légumes qui arrivent de Tahiti. 

Ponton de débarquement du fret

Petit bras de mer qui mène au pont près de la boulangerie
On peut y laisser le dinghy sur la droite.


En ville, les déplacements se font en bonne partie en vélo, et surtout en tricycle. L'ile est plate, les habitants l'on bien compris.

Au déchargement du cargos, une mamie bien équipée :)

Parking à vélos devant la mairie,
les tricycles sont chinois

Vélo américain avec un sac de jute pour la copra sur le porte bagage avant

Nous sortons nos vélos pliants, direction l'aéroport par la seule route existante : 20 km facile à l'aller. Par contre, prévoyez de l'eau et plus de temps pour revenir, car le vent dominant vous fera face. On a mis 3h aller / retour sans forcer. Les paysages sont remarquables, la route bitumée.

La bande de terre est constellée de petites lagunes.

Aigue-marine, Azur, Cérulé, Cobalt, Cyan, Denim, Givré, Indigo, Lavande, Saphir, Turquoise, bref,
toutes les nuances de bleues sont aux Tuamotu.

Le temps est parfois orageux en avril.

On décide de changer de mouillage lorsque le vent tourne au sud, car il lève un clapot parfois violent. Nos voisins casseront leur main de fer en quittant précipitamment le mouillage avec nous. Les vagues secouent le bateau, et si la chaine se coince dans les patates, alors elle vient taper comme un coup de belier au niveau du guindeau.

Le triangle rouge est le mouillage Sud du lagon
La traversée se fait sans souci, les patates sont bien visibles sur ce chemin

Arrivée sur la côte Sud, des petits ilots de paradis

Sable rose et soleil de plomb, on oublie vite les coups de vent

Indice d'UV maximum...

Pour le plaisir

Mouillage comme sur un lac, très confortable la nuit.

C'est la première fois que l'on voit la Croix du Sud la nuitDurant la traversée du Pacifique, elle était dans les nuages. Aux Marquises, elle était toujours cachée par une montagne.

 la Croix du Sud
Surprise, les 4 étoiles  forment un grand motif, et non une petite croix comme sur mon extrait ici
(environ 4 fois plus grand en réel) 


Bois flotté, repère de mollusques

Les vrai habitants du coin

Promenade sur la platier, récif qui définit les contours du lagon

On met une ancre pour éviter de perdre le dinghy avec les petites marées

So cool

Patricia dans la plus grande piscine du monde,
l'océan pacifique bien sur :)
ici, 10 m de profondeur, l'eau est très claire on voit le fond.


On écrit ces lignes depuis Fakarava où nous sommes bien arrivés accompagnés d'Alain et Maria du Catamaran Cascade que l'on vous présentera lors du prochain article.


mardi 6 avril 2021

Polynésie : Les Marquises (Fatu Hiva)

 Fatu Hiva

L'impressionnante baie des vierges

Notre voyage du Nord au Sud au sein de l’archipel des Marquises se termine par l’ile de Fatu Hiva où nous ancrons dans la mythique « baie des vierges ». Pour la petite histoire, les premiers marins l’avaient appelée la baie des verges, mais cela n’avait pas plu aux missionnaires arrivés plus tard, ils ont donc légèrement modifié le nom…

  

La baie sous un soleil de plomb

Le spectacle est splendide. Quel beau paysage qui entoure la baie, et que dire du balai incessant des grandes raies Manta curieuses, venues nous accueillir ! On oublie vite le désagrément de la navigation (c’est souvent le cas entre les iles) avec des vagues croisées et une mer formée inconfortable.

Il y a seulement 3 bateaux dans la baie. Nous ancrons derrière les autres bateaux à 18 mètres de profondeur, au milieu de la baie. Celle-ci est grande mais le fond tombe très rapidement à pic, l’espace de mouillage n’est finalement pas si grand que ça.

Dès le lendemain nous partons à la découverte de l’ile. Nous laissons le dinghy au ponton avec les barques des pêcheurs, une ancre arrière pour le sécuriser. Le ponton est très bien protégé et facile à aborder.

On suit la route principale et on commence à s’avancer dans le village de Hanavave. Très vite nous faisons connaissance avec les habitants sortis pour nous rencontrer. L’accueil est de suite très chaleureux. A peine arrivé, on nous offre des bananes pour notre promenade.

Un peu plus loin, des femmes attendent devant le seul magasin d’avitaillement ouvert tous les jours. Elles nous recommandent de poursuivre notre route pour aller chercher des mangues dans le fond de la vallée.

Effectivement, plus loin nous trouvons des manguiers dont les fruits fraichement tombés sont superbes. On ramasse les mangues à terre, mais nous sommes apostrophés par Arounui qui nous dit de laisser ces mangues à terre : elles sont pour les cochons.

Il nous invite à entrer dans sa maison. On passera un très bon moment avec lui et sa famille autour d’un café. Il nous raconte leur vie à Tahiti puis leur décision de revenir à Fatu Hiva pour y vivre. En même temps il nous approvisionnera en mangues, pamplemousses et citrons. Du coup on retourne au bateau chargé de fruits.

Dans ce village, la plupart des habitants sont des sculpteurs qui réalisent notamment ces fameux Tikis en bois ou en Pierre. Les femmes quant à elles sont souvent en charge de la réalisation de Tapa (spécialité de l’ile) et des préparations Monoï à base de fleurs de Tiare et d’huile de noix de coco. 

Pendant notre séjour, on découvrira les réalisations de Christian, de Léo, de Marc, de Simon et de sa femme Sissi, chacun ayant un style différent. Il n’a pas été facile de faire un choix mais nous avons essayé de faire plaisir à tout le monde. On repart ainsi avec plusieurs petits chefs d’œuvre artisanaux.

Sculptures sur bois et os

Détails de sculpture de bois de rose


 Alain a particulièrement apprécié la convivialité de Simon et de Sissi. 

Sinon dans son atelier
 
Sisi avec son stand de l'artisanat

Nous avons passé de bons moments avec eux. Ils nous ont montré leur savoir-faire et expliqué leur technique.

J’ai pu à cette occasion apprendre comment réaliser des tapa. On tape une fine écorce d’arbre à l’aide d’un outil en bois dur sur une pierre plate. C’est du boulot et j’en ai vite eu des crampes dans les bras.  L’outil est lourd (il est en bois de fer) et il faut taper fort pour écraser les fibres.

Patoune en action

Le résultat, le tapa a triplé de largeur

Coté promenade, il y a de quoi faire, nous avons été à la cascade qui se trouve au fond de la vallée. Un superbe endroit bien à l‘abri du soleil où nous avons pu nous baigner dans une eau claire et fraiche. 

Cascade de 20 m avec son bassin d'eau pure

Le chemin n’est pas difficile et bien balisé. Il serpente le long de différents « paepae » construits par les anciens. Il y a d’ailleurs un magnifique pétroglyphe juste avant la rivière représentant un homme les bras en l’air.

Pétroglyphe de la rivère

Un autre jour nous sommes montés en haut de la route qui emmène à l’autre village (Omoa, le village principal). Heureusement nous sommes partis tôt (vers 7h du matin) car la route est en plein soleil avec peu d’abris. De plus elle grimpe avec des pentes plus pentues que nos routes françaises. On est monté à la croix qui surplombe la vallée et puis à l’antenne du relais téléphonique. De là nous avions une superbe vue sur la baie, sur les bassins versants des monts qui nous entourent et sur notre bateau. 

 

Baie des vierges vue de la BTS
(antenne téléphonique) 

Nous avons eu de la chance car l’après-midi même, un incendie s’est déclaré brulant toute une grande partie de la montagne pendant toute la nuit. 3 voiliers sont d’ailleurs partis en prenant peur, les flammèches incandescentes pouvant arriver sur les bateaux. Il faut dire que c’était impressionnant de voir la montagne en feu, toute incandescente de nuit. Mais heureusement tout s’est bien terminé, le feu n’ayant détruit que des herbes. 

Avant le feu

Après l'incendie

Amis voileux, dans le village il n’y a qu’un seul magasin d’alimentation, une poste et une mairie.  Il n’y a pas de distributeur d’argent et il n’y a pas d’endroit pour jeter les poubelles. Il faut demander aux habitants qui proposent de vous les bruler à condition de les trier avant. Souvent aussi les habitants nous ont demandé du matériel comme des amarres ou des cordes pour attacher leurs animaux. C’est un moyen d’échange car les voiliers arrivants de Panama n’ont pas de Francs Pacifiques et aucun moyen d’en avoir avant Hiva Oa.

Alain a proposé aussi ses services pour aider à la réparation d’outils. Plusieurs sculpteurs avaient des soucis avec leur outil Dremel. Alain a ainsi pu les aider en refaisant plusieurs interrupteurs que la poussière avait « brulé ». 

Il en sera de même avec Joaquim le responsable du réseau téléphonique sur l’ile. Nous irons avec lui contrôler le parc de batteries et les panneaux solaires de la BTS (antenne relai GSM). Alain aura eu ainsi un petit rappel de l’un de ses différents métiers exercés (chez Bouygues Télécom). Grâce à ce travail, le soir nous avions tous récupéré l’accès à la ligne de téléphone mobile. C’est du bas débit (Edge et non 4g), mais suffisant pour capter la météo et pouvoir utiliser WhatsApp et Messenger.

Dans le village, nous ferons aussi la connaissance de Suzanne et Émile qui cultivent des légumes dans leur « Faapou » (jardin dans la montagne). Ils sont d’ailleurs en train de monter un stand pour proposer des légumes et des fruits à la vente pour les voiliers.

Faapou en fond de vallée

Ils nous apporteront des concombres, des avocats, des pamplemousses, des bananes et des citrons. En discutant avec Suzanne on apprendra qu’elle est la cousine de Lucien, notre ami de Hiva Oa, le monde est petit !  On passera ainsi de bons moments avec eux en montant notamment à leur « faapou ». 


 Émile nous fera visiter son exploitation et nous emmènera à la découverte des vestiges du passé qui ornent son terrain. Il nous montrera ainsi plusieurs pétroglyphes magnifiques qui ne sont hélas pas entretenus. 

Les gravures sous les fougères

Ou au bord de la rivière

Un clin d’œil pour Lucien qui j’en suis sûre serait ravi de venir découvrir ce lieu.

Ici aussi, l’Aranui emmène les touristes et le village propose à cette occasion un marché artisanal avec une animation musicale. 


Voilà ainsi s’achève pour le moment notre aventure dans les Marquises que nous quittons pour rejoindre l’archipel des Tuamotu. La saison des alizés commence (vent constant d’Est en Ouest au niveau de l’équateur), nous pouvons aller vers l’Ouest plus facilement.

Nous écrivons ces lignes depuis l'ile de Makemo, avec très peu d'Internet aussi nous ne pourrons répondre rapidement...