vendredi 31 août 2018

Médocs

La pharmacie embarquée

Les navigateurs français sont bien connus parmi le petit monde des plaisanciers pour avoir de bonnes pharmacies de bord. On ne dérogera pas à la règle.
Par contre, contrairement à nos expéditions précédentes, nous avons eu pas mal de soucis pour la monter. A l'heure où j'écris ces lignes, il nous manque encore une dizaine de médicaments.
Pat en train de conditionner les médocs sur la table des cartes
On aperçoit l'EPIRB1 en haut à droite de la photo 
(cliquer sur la photo pour agrandir)

Le support médical

Pour comprendre nos difficultés, il faut connaître le fonctionnement des secours en mer. Je ne parle pas de navigation côtière, mais de navigation engagée, type traversée de l'Atlantique / Pacifique / ...
EPIRB1
Pendant les périodes de navigation qui peuvent durer 3-4 semaines, nous sommes seuls à bord. Certes nous avons un EPIRB1, balise de détresse, qui permet aux secours de nous trouver où que nous soyons. Mais on ne déclenche pas les secours pour une rage de dent, une plaie bien ouverte, une brulure locale, un mal au dos...
De plus, les secours peuvent mettre un certain temps avant d'arriver (plusieurs jours), et si les conditions météo sont mauvaises cela complique fortement l'évacuation.
Donc on consulte d'abord un médecin du Centre de Consultation Médical Maritime (CCMM) via le TMAS (TeleMedical Assistance Services) et à l'aide du téléphone satellite Iridium que nous avons à bord. C'est le CHU de Toulouse qui gère ce service 24h/24.

Afin que le service soit efficace, avant de partir nous remplissons un dossier médical. Le CHU nous envoie une liste de médicaments recommandés. Ensuite nous envoyons la liste de notre pharmacie constituée au CHU, qui pourra alors la consulter si jamais on les appelle en urgence.
Même avec un téléphone Iridium, les communications ne sont pas toujours faciles, de plus il faut être efficace et concis durant l'appel.

Seulement voilà, cette liste est très complète et très longue. Notre médecin de référence a refusé tout simplement de nous faire des ordonnances : pas le temps, trop long, trop de médicaments dangereux...
Heureusement, d'autres médecins sont plus compréhensifs, et petit à petit nous avons pu établir la pharmacie de bord, par petites ordonnances, avec les stocks des précédentes expéditions et ceux de la maison.

Et en droit ?

Un texte de loi nommé Division 240 définit les règles de sécurité en mer. L'article 240-2.16 donne le détail de la pharmacie (image tirée du site Légifrance ci-dessous, le 31/08/2018)

Art. 240-2.16.-Caractéristiques de la trousse de secours.
(cliquer sur la photo pour agrandir)
Vous remarquerez que dans le texte de loi, la pharmacie obligatoire est réduite à une trousse de secours : pas de tonique cardiaque, pas d'antibiotique, rien pour recoudre, pas de médicaments pour les oedèmes traumatiques pourtant courants en navigation (on se cogne pas mal quand la mer se forme).
Il y a de quoi pousser un coup de gu...le. 

Si le texte de loi était plus complet, on aurait une ordonnance complète sans tracasserie. Alors, s'il y a texte de loi, quid du remboursement de l'ordonnance du fait du caractère obligatoire... L'argument qui consiste à dire que l'ordonnance permet le remboursement indu par la Sécurité Sociale est doublement faux.

  • Tout d'abord, le médecin peut inscrire sur l'ordonnance le fait que cela ne soit pas remboursé par la Sécu (c'est du vécu...)
  • Ensuite, nous avons payé une Sécu, aussi nous avons des droits. Ce n'est pas nous qui allons abuser d'un système dont nous serons absents durant plusieurs années non ? 
  • Enfin, le coût global pour la société est bien moindre quand on peut se soigner correctement et sans avoir à être rapatrié. C'est toujours un mauvais calcul de penser à court terme.

jeudi 30 août 2018

Sellerie du cockpit

La Sellerie :

Lors de notre test de navigation de nuit, nous avons tous les deux constaté que ce n'était pas confortable de rester assis dans le cockpit durant des heures.
Et oui, il faut effectuer une veille active dans le cockpit pendant les navigations, de jour comme de nuit. On passe donc beaucoup de temps assis, voir allongés. Le pilote automatique c'est bien, le radar et l'AIS aussi, mais il faut quand même être sur ses gardes ne serait-ce que par obligation réglementaire.

De toute façon le radar ne "voit" pas tout, notamment ce qui est au ras de l'eau. De même l'AIS ne détecte que les navires équipés d'un émetteur AIS et seuls les professionnels ont l'obligation d'émettre.

Un rapide tour d'horizon des devis pour avoir 4 nouvelles banquettes nous avait dissuadé de les faire faire, la main d'oeuvre et les matériaux coûtant chers. Bien embêtés, nous avons alors consulté  Internet et questionné nos amis navigateurs.

Après bien des recherches, nous avons fini par trouver un fabriquant de mousse à cellules fermées à Saint Priest.

Ajout janvier 2019 : nous ne recommandons finalement pas cette entreprise, car la mousse s'est révélée de très mauvaise qualité = elle s'affaisse en 3 mois et "disparaît". En Guadeloupe il y a aussi un fabriquant, mais les selliers locaux ne l'utilisent plus car la mousse est aussi de mauvaise qualité...
On trouvera au Marin une mousse de qualité, et l'on sera quite pour refaire les découpes. Aujourd'hui nous avons une sellerie confortable et de qualité, c'est important pour les longues navigations.

De même que pour le tissus marine, pour en trouver à prix raisonnable ce n'est pas facile pour un particulier. Il faut compter environ 120 € TTC le m2 pour la mousse (épaisseur 4 cm) et 18 € pour le tissus.

Pourquoi la mousse à cellules fermées ?  Parce qu'elle est étanche et ferme pour les assises.
Pourquoi un tissus "marine" ?  Parce qu'il est aussi imperméable, résistant aux UV et aux sels marins. Par expérience, être assis sur une surface spongieuse et gorgée d'eau est assez vite désagréable et froid, donc autant tout prendre étanche.
Nous avons choisi Sunbrella comme marque de tissus, la même marque et la même qualité que celui de la capote.

Test de couleur, nous avons choisi la couleur taupe
Découpe de la mousse avec le couteau à gigot de grand mère...

Découpe du tissus dans les sanitaires du port,
c'est le seul endroit où l'on avait de la place et pas de vent...
Le résultat



Les coffres

Besoin de place :

Bien que le bateau comporte 9 couchages et que nous ne sommes que 2 à vivre à bord, se pose le problème de place et de rangement. Il y a beaucoup de rangement à bord, mais pas forcément adaptés aux matériels utilisant de l'essence / diesel qui peuvent être difficilement mis à l'intérieur.

  • Nous avons "condamné" la cabine avant pour stocker des voiles car nous partons avec 2 jeux de voiles, plus un spinnaker et un gennaker qui prennent de la place...
  • La coursive est utilisée pour stocker nos 2 vélos pliants avec les 2 machines à coudre de bord (si si, on emporte la vielle Singer portable pour les coutures de tissus "marine" et la Toyota Oekaki pour les autres coutures / broderies).

Reste donc l'atelier de disponible, il est le pendant de la coursive (quasi la même surface). Or dans l'atelier se trouve le chauffe-eau de 50 litres (il fonctionne soit avec la chaleur du moteur, soit avec le 220v), le moteur du réfrigérateur 12v, le chargeur de batteries et la pompe électrique des WC arrières. Ajoutez tous les outils, perceuse, ponceuse, rabot, fer à souder, défonceuse, pompe 12v et grosse pompe manuelle, boite à outils, planche et tuyaux divers, et il n'y a plus de place.

En effectuant des recherches sur Internet et en observant comment font les autres voyageurs au long cours, on s'aperçoit que beaucoup de bidons / matériels encombrent les ponts. Mais cette solution ne nous satisfaisait pas, car en cas de gros temps, les manoeuvres s'en trouvent compliquées voire dangereuses. 

C'est un navire américain qui nous donna l'idée d'utiliser des coffres. Une photo montrait un beau coffre blanc porté sur le flanc du navire. Et puis dans l'imaginaire, le coffre est souvent associé à des histoires de marine. L'idée nous plut.

Malheureusement, nous n'avons pas pu contacter le propriétaire du bateau pour trouver le fournisseur. Aussi nous avons cherché ... sur Internet (vive le Net).

Et là, ce fût long, très long. D'abord, la plupart des coffres ne supportent pas les conditions d'utilisation "marine", entendez par là : "humidité" / "sel" / "UV". Cela pourrait paraître excessif, mais en 2 années de travail sur le bateau, on a vu que du matériel "normal", entendez par là non spécial marine, se détruire en 6 mois (essai réalisé sur de l'inox A2 et non A4, des tissus soit disant protégés des UV, des bois, des vernis...). Ensuite, les dimensions sont conditionnées par l'espace à bord. Enfin, il y a toujours des solutions de réalisation sur mesures, mais là les prix s'envolent. Compter 700 € pour un coffre qui contiendra 2 bidons de gasoil et 3 bidons d'essence. Autant dire que c'est rédhibitoire.

Finalement ce sera Patricia qui trouva la solution : sur Leboncoin, elle a fini par dénicher un coffre militaire réalisé en fibre de verre, aux bonnes dimensions, pour 40 €. On fera donc un week-end à Poitiers dans la famille pour aller chercher la boite. En fait, on fera même 2 week-end à Poitiers, car on trouvera un second coffre dans la même région. Ce dernier servira à stocker le générateur 2 Kw.

Les coffres ont des fermetures en aluminium pour le premier, et en inox marine pour le second. Le plus grand a aussi un plancher suspendu sur ressort, il servait au transport des serveurs informatiques de l'armée de l'air.

Souci : les coffres sont vert kaki, avec des inscriptions militaires : pas glop en cas de contrôle des douanes dans un pays étranger. On pourrait les repeindre, après ponçage, mais c'est un travail que je ne maitrise pas bien tant il y a des recoins / joints / ferrures qui compliquent la tâche. Aussi on decide de les cacher avec le même tissus marine que celui de la capote. Cela fait un bel effet, et c'est facile à réaliser, sans poussière ni peinture toxique.


A gauche le coffre des bidons, à droite celui du générateur

On n'a pas pu les mettre sur le flanc du navire comme prévu, mais sur le pont arrière où ils ne gênent pas les manoeuvres.

Le tissus est juste posé par dessus,
un bout le retenant par en dessous.


Ici le tissus est fixé par 2 pressions en bas
ce qui permet de relever un pan et d'ouvrir le coffre sur le coté

Atelier de couture à bord, vielle singer pour le tissus marine
en haut le fil V92 suspendu
au fond la cabine "avant" encombrée de voiles...

Ce que l'on retiendra de cette expérience :

  1. Think out of the box : penser hors des sentiers battus. En gros rechercher des solutions à son problème sans "à priori" ni utiliser forcément des solutions "sur l'étagère" qui coûtent une fortune.
  2. Qu'il faut bien penser à l'utilisation des coffres, et donc à leurs ouvertures : latérales ou par dessus.
  3. Que la fixation est assez simple à réaliser (traverser le pont) sauf s'il y a des tiges filetés dans le coffre (ce qui était notre cas pour le second coffre). Les tiges doivent êtres parallèles pour passer le pont, et le pont est en forme de dôme.  Du coup on a mis plus de 3 heures à passer les tiges et à pouvoir les visser...
  4. Fixation solide obligatoire, cela doit resister à une vague déferlante (les forces en jeux sont considérables)